Les Indiens sont à l’Ouest, journal de bord de la préparation de l’œuvre

Au delà des ateliers de pratique vocale nécessaires à l’apprentissage de la partition, Les Indiens sont à l’Ouest donne l’occasion pour le Chœur de Scène et les CRÉA’tures d’aborder une double thématique, celle du CINÉMA et celle de l’histoire des AMÉRINDIENS. Nous vous proposons un retour sur la préparation de la comédie musicale avec Didier Grojsman, directeur artistique, chef de chœur et Selin Dündar la chorégraphe.

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pétitions pendant le stage de création en Dordogne (août 2014,  ©CREA)

CREABLOG : Comment avez-vous abordé le thème du cinéma, ses techniques et ses métiers avec la troupe ?

Didier Grojsman : « Dès la première séance en novembre dernier, j’ai travaillé l’idée du casting devant une vraie caméra. Il s’agissait là d’oser se présenter comme un acteur qui veut être engagé et qui donne son nom de scène. Puis, nous sommes passés à l’invention et l’écriture d’un scénario de western tenant en quatre images à jouer en petit groupe. Le travail portait précisément sur l’enchaînement au ralenti de ces quatre images, comme un fondu enchaîné corporel. Puis, des dialogues ont été inventés. Ici s’est donc effectué un travail d’écriture du scénario, de jeu et recherche de personnages et donc de voix, de projection de la voix face à un public. Toutes ces étapes ont été menées avec l’exigence que requière une création collective dans l’écoute, le respect, le partage de la parole. La notion de socialisation a été très importante dans cette phase de travail.

Chaque saison, un nouveau groupe artistique se forme et ces étapes permettent un mélange entre les anciens et les nouveaux membres du chœur, les plus jeunes et les plus grands, les garçons et les filles. Enfin, une recherche sur la mise en musique de ces petits films a été amorcée. C’était une première au CRÉA car chacun avait apporté son instrument. Le projet de la tribu des « Bisons futés » (chaque groupe s’est inventé un nom indien) était par exemple accompagné à l’accordéon, la clarinette et les percussions. L’objectif d’aborder l’instrument d’une façon non académique et non scolaire a été engagé et a permis, même ponctuellement, aux enfants d’appréhender leur instrument d’une façon créative. L’ensemble des créations a été capté avec un caméscope par une équipe de tournage. Là aussi, l’ouverture au monde du cinéma et à ses métiers a trouvé tout son sens, ainsi que la prise de confiance face au groupe dans lequel il fallait jouer et affirmer son personnage de cinéaste, cameraman, réalisateur ou clap-man. »

CREABLOG : Comment avez-vous abordé l’univers des indiens et des cowboys et l’histoire parfois tragique de la conquête de l’Ouest ?

Didier Grojsman : « Nous avons mené des recherches de danses rituelles et d’incantations, soit sur des thèmes imposés (les éléments eau et feu par exemple), soit choisis par le groupe, mais avec la consigne d’être clairement identifiables.

Certains ont par exemple fait une incantation sur les maladies (incantation doliprane). Ce travail de recherche important a été repris par la chorégraphe en danse contemporaine, Selin Dündar. En outre, un travail a été effectué autour de la notion de totem à construire corporellement en groupe sur une thématique imposée ou libre. Les Square Dance ou danses en quadrille évoquent l’univers des cow-boys et sont le pendant des danses d’incantations indiennes. Des recherches par groupes de cinq ont été réalisées sur une musique caractéristique du genre avec pour consigne de trouver un enchaînement. Chaque groupe a ensuite présenté sa recherche et les meilleures idées ont été conservées et apprises collectivement.

Petit à petit, en trois, quatre mois l’enchaînement s’est construit pour donner une danse complète, connue de tous reprise dans d’autres ateliers lors d’échauffements ou de concentrations. Par ailleurs, en juin dernier nous avons proposé à nos jeunes interprètes la visite de l’exposition Les Indiens des Plaines au musée du quai Branly. Telle une promenade dans une réserve des Grandes Plaines, le choeur a découvert l’histoire, la vie quotidienne, mais aussi les vêtements, les coiffes des Indiens… Les questions ont naturellement fusé, quel était le rôle des hommes et des femmes dans leur société ? Quel fut l’impact de la conquête de l’Ouest par les Européens et les Américains. Que sont-ils devenus ? (voir encadré). Nous étions là au coeur des thématiques abordées dans la création Les Indiens sont à l’Ouest.

Tout ce travail collectif de recherches et d’immersion a permis de construire la troupe et de la préparer à l’univers dans lequel le spectacle se déroule. Le terreau était prêt, au tour de Selin Dündar, la chorégraphe et de Christian Eymery, l’auteur et metteur en scène de faire pousser leurs idées ! »

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Répétition avec la chorégraphe Selin Dündar (©CREA)

CREABLOG : Justement, Selin Dündar, comment chorégraphier ces jeunes interprètes qui ne sont pas des danseurs professionnels ?

Selin Dündar : « Chorégraphier avec le Chœur de Scène du CRÉA est simple : l’envie, la disponibilité et l’écoute qui règnent au sein de cette troupe me permettent de partir immédiatement de leurs propositions dont ils seront garants par la suite. Le geste leur appartient, comme le souffle pour chanter.

Ma démarche dans un premier temps est de leur proposer des thèmes d’improvisations en lien avec la création et de choisir ensuite les images qui correspondent. La seconde étape consiste à préciser les gestes et les intentions, de les remplir, les engager, les interpréter en lien avec la musique, le chant, la mise en scène. J’aime l’idée d’un laboratoire gestuel dans lequel on invente en cherchant, en goûtant aux différentes matières, en découvrant, en s’amusant de manière affirmée et sérieuse, parfois on jette nos inventions et on doute aussi… pour mieux rebondir dans la curiosité. Le travail autour de l’histoire des « Indiens » présente un terrain de recherche idéal pour des états de corps : le rituel, la solidarité, l’alerte, les cinq sens, l’instinct, le combat, la résistance, la douleur et la mort…

En opposition, pour dédramatiser sans minimiser la vraie histoire des Amérindiens, il y a l’histoire du tournage de film et évidemment les cow-boys… Ces derniers nous livrent des situations plus légères dans lesquelles les interprètes doivent chercher corporellement les attitudes de leurs personnages. »

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Visite de l’exposition Les Indiens des Plaines au quai Branly (©CREA, juin 2014).

La conquête de l’Ouest en bref

Il ne faudra aux colons américains que 70 ans de luttes pour gagner leur indépendance et rallier l’océan Pacifique. Les immenses territoires situés au-delà du littoral oriental permettent l’installation de millions d’immigrants européens en quête d’une vie meilleure. C’est le début de la conquête de l’Ouest. Mais pour que s’établissent les colons blancs, les populations autochtones d’Indiens seront expulsées, déportées, massacrées, au mépris des principes fondateurs des États-Unis.

Avant la colonisation, l’Amérique du Nord est très faiblement peuplée : un million d’Indiens répartis en une myriade de tribus, qui ne pèseront pas lourd face à la poussée européenne. Les Blancs américains considèrent en effet leur expansion à travers le continent comme leur destinée manifeste. Pour s’installer, des colons expulsent les Indiens de leurs terres. En 1830, le gouvernement américain vote l’Indian Removal Act, une loi qui oblige les nations cherokee, creek et séminole à quitter le sud-est pour le territoire indien situé à l’ouest du Mississippi. Des milliers d’Indiens périrent au cours de ce périple, bientôt surnommé la piste des larmes.

L’avènement du chemin de fer accélère le génocide indien en favorisant la colonisation à l’ouest. On ne respecte même plus les réserves, terres exclusivement dévolues aux
Indiens par décret gouvernemental. Dès 1830, des pans entiers du territoire indien sont ouverts aux colons. En 1874, l’arrivée des prospecteurs dans la réserve sioux des Blacks Hills, au Dakota, rencontre une résistance farouche ; la cavalerie américaine diligentée pour protéger les chercheurs d’or est totalement défaite par les Sioux et les Cheyennes lors de la bataille de Little Bighorn. Les chefs sioux Sitting Bull et Crazy Horse sont traqués et finalement forcés de se rendre. Au Nouveau-Mexique et en Arizona, le chef apache Geronimo mène une guérilla jusqu’en 1886. Désespérés par l’anéantissement de leur mode de vie, nombre d’Indiens se rallient au culte de la danse des esprits qui leur promet un affranchissement de la loi des Blancs. Une tragédie tristement célèbre se déroule à Wounded Knee Dakota du Sud en 1890, avec le massacre de plus de 200 danseurs sioux ou par les troupes américaines. La même année, la frontière occidentale est officiellement abolie, et il ne reste plus guère que 200.000 Indiens en Amérique du Nord.
L’Ouest a bien été conquis mais à quel prix ?

Sources : histoire-pour-tous.fr

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